Elle participe aux Jeux Paralympiques pour la quatrième fois. Elle manie autant le fleuret que l'épée, dans leur version escrime en fauteuil roulant. Elle est championne olympique en titre autant en individuel qu'en équipe. Vincent Mignon, tandem. Ce champenois de 35 ans pratique le tandem depuis un accident qui l'a rendu aveugle et malentendant. Son pilote actuel est Éric Lavaud. Ils ont remporté une médaille de bronze en vitesse et d'argent au kilomètre lors des Jeux d'Atlanta. Gérald Rollo, judo. Il disputera ses troisièmes Jeux cette année. Il fut médaille d'argent à Atlanta dans la catégorie malvoyant profond des moins de 73 kilos. Mario Fahrasmane, handibasket. Il est capitaine de l'équipe de basketball en fauteuil roulant. La France est championne d'Europe, pourra- t-elle jouer les trouble- fête dans l'élite mondiale et gagner le tournoi olympique ? ![]() Le Petit Handinaute : Pourquoi pratiquez-vous un sport en haute compétition ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : Avant mon accident, je faisais de la danse. Je suis arrivée à l'escrime par hasard, en cherchant un sport qui pouvait me redonner un peu de la mobilité corporelle perdue. J'ai eu rapidement de bons résultats, un maître d'armes a su me motiver et j'ai été prise dans l'engrenage. Vincent Mignon : J'étais footballeur professionnel en deuxième division. Après mon accident en 1992, j'ai du reprendre goût à la vie et c'est grâce à la Croisade des Aveugles que je suis monté sur un tandem et que j'ai découvert le vélo. Ça m'a plu tout de suite et j'ai foncé. C'est un sport d'équipe dans lequel je pouvais m'exprimer complètement : le handicap visuel n'est pas très gênant lorsque l'on roule derrière quelqu'un : à part son dos on ne voit pas grand chose ! Gérald Rollo : J'étais déjà ceinture noire avant d'avoir mon handicap, une atrophie des nerfs optiques. Un copain qui pratiquait en handisport m'a ramené au judo. Comme j'avais déjà fait des compétitions en valide, j'ai obtenu des résultats en handisport et je me suis pris au jeu. Mario Fahrasmane : Comme beaucoup de personnes, j'ai découvert ce sport en centre de rééducation. La chance ou le travail font que certains arrivent à un bon niveau de pratique. J'ai ensuite intégré un club qui dispose de bonnes structures qui m'ont permis de progresser. LPH : Quelles sont les contraintes qu'impose la pratique de ce sport à un haut niveau ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : La préparation doit être régulière et permanente, elle oblige à des sacrifices professionnels, on ne peut pas travailler à plein temps. Je bénéficie d'un contrat d'athlète de haut niveau qui me permet d'être à mi- temps en entreprise et le reste de la journée en sport sans perte de salaire. Tous les week- end sont pris par les compétitions, la vie familiale est difficile à concilier, mais on retire aussi beaucoup de joie dans cette pratique. La passion est la plus forte. Vincent Mignon : Il faut avoir un excellent métabolisme et des capacités physiques supérieures à la moyenne. J'ai très vite retrouvé mes sensations de sportif de haut niveau et à force d'entraînement et de temps passé, j'ai comblé la différence avec mon pilote pour arriver à une bonne cohésion. De plus en plus, les pilotes sont des coureurs cyclistes confirmés ou d'anciens amateurs. Lorsque l'on a la chance d'avoir un pilote chevronné, on bénéficie de son expérience : le handisport, ce n'est pas une cour de récréation. On se donne les moyens de faire aussi bien que les valides. On n'a pas à leur envier leurs chronos, la seule chose qui fait la différence, ce sont les moyens dont ils disposent. Gérald Rollo : Il faut avoir le temps pour s'entraîner et la vie familiale en pâtit. Je vois peu ma femme et mon fils : quand je rentre de l'entraînement, ils sont couchés. Les séances m'occupent quinze à vingt heures par semaine, en plus de mon travail à la mairie de Lorient. Mario Fahrasmane : Il faut beaucoup d'entraînement. Pour ceux qui travaillent, cela demande des sacrifices sur les jours de congé et la vie de famille. Dans mon club [Meaux NDLR], on s'entraîne trois fois par semaine et tous les matins avec certains joueurs. Cela occupe beaucoup de temps. Pour la préparation olympique, l'équipe de France a fait plusieurs stages en juin et juillet et il y en a un en septembre. LPH : Est-ce que vous disposez des installations nécessaires à vos entraînements ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : Ce n'est pas facile. J'ai trouvé une salle à Paris, le gymnase Fragonard, et j'ai convaincu Monsieur et Madame Chirac d'en faire une salle d'escrime accessible aux personnes en fauteuil roulant. J'habite au Vésinet, il y a une très bonne salle d'escrime dans laquelle viennent s'entraîner des champions valides mais elle n'est absolument pas accessible. Vincent Mignon : Le plus proche vélodrome utilisable est à une heure de voiture. On consacre beaucoup de temps aux entraînements. Ce manque de moyens touche tous les cyclistes de notre région. Côté route, nous avons un relief diversifié qui convient bien à notre sport : plat, bosses, longues côtes... Et il n'y a pas trop de voitures. Gérald Rollo : Il y a une dizaine de clubs de judo à proximité et je fais le tour de chacun pour disposer des créneaux d'entraînement nécessaires. Pour la préparation générale, des amis viennent m'aider pour courir, faire du tandem, travailler la condition physique. Je suis membre d'un club valide et le seul judoka du club handisport local. Mario Fahrasmane : A Meaux, on a facilement accès aux salles de sport et à la piste d'athlétisme pour la préparation physique. Notre entraîneur, qui travaille à la Mairie, est disponible toute la journée s'il le faut. C'est un plus, on est très bien préparés en fait ! LPH : Comment êtes-vous perçu par les autres sportifs ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : Les escrimeuses handisport ont de très bonnes relations avec leurs consoeurs valides. Elles viennent de temps en temps s'asseoir sur un fauteuil pour tirer avec nous. Les sabreurs handisport et valide ont récemment effectué ensemble un stage de préparation à l'INSEP. Au fil du temps, nous avons noué de très bonnes relations. Vincent Mignon : Avec beaucoup de respect. Le sport c'est l'école de la vie, on apprend à gagner, on apprend à perdre. On est très bien perçu par les autres sportifs de la région parce qu'ils voient que nous faisons de la compétition de haut niveau. Gérald Rollo : Certains sportifs nous perçoivent assez bien parce qu'ils constatent que des records handisport sont très proches des valides. Le judo français est l'un des meilleurs au monde : il est assez dur pour nous de prouver à des amis qu'on mérite une médaille olympique ! En Italie, par exemple, nous aurions notre place au niveau national. Mario Fahrasmane : L'équipe de France, comme celle de mon club, est de très bon niveau. Parmi les valides, beaucoup sont admiratifs. Chez les handibasketeurs, certains en ont un peu marre de voir toujours les mêmes en haut de l'affiche... LPH : Quel est votre objectif sportif et humain lors des Jeux de Sydney ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : Conserver le titre olympique au fleuret et gagner celui de l'épée. Pour cette arme, ce sera beaucoup plus difficile : j'ai dû arrêter l'entraînement pendant trois mois suite à une blessure, j'espère que mon bras tiendra. Avec Sydney, je pense que j'aurai fait le tour de ma carrière, que j'aurai donné tout ce que j'aurai pu. Maintenant, je m'attache à communiquer mon expérience et ma passion aux jeunes. Vincent Mignon : Tout d'abord, c'est de bien représenter mon pays. Et obtenir les médailles qui nous manquent : argent ou or. Si je pouvais décrocher la timbale ! J'aimerais bien monter sur le podium pour partager avec mes pilotes tout le travail qui a été effectué. Et il me manque un titre olympique pour clore ma carrière sportive. Gérald Rollo : J'ai le potentiel de la médaille d'or. Reste à savoir si on sera opérationnel : la fatigue, le moral rentrent en ligne de compte. Décrocher ne serait- ce qu'une médaille me rendrait heureux : elles sont de plus en plus dures à gagner ! Et je veux démontrer qu'un handicapé peut faire du sport comme tout le monde. Mario Fahrasmane : La France est championne d'Europe de handibasket et nous sommes parmi les favoris. Si on garde un esprit combatif, on a les moyens de faire quelque chose contre les nations européennes. Battre les USA et le Canada sera très difficile. J'espère que ces Jeux seront grandioses, ceux d'Atlanta ayant été gâchés par des problèmes d'organisation. LPH : Quel avenir voyez-vous à votre discipline ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : L'escrime handisport s'est énormément développée depuis 14 ans grâce à un plus grand nombre de sportifs et de pays pratiquants et une évolution de la discipline. A mon avis, il faudrait supprimer les catégories [les sportifs y sont répartis en fonction du niveau de lésion médullaire NDLR] pour que la discipline soit reconnue à égalité avec l'escrime valide. On voit de plus en plus d'escrimeurs en handisport qui sont peu handicapés. Vincent Mignon : Le tandem est assez riche pour les malvoyants et non- voyants. C'est un sport qui est sympa parce qu'on partage à deux l'effort sur une machine. Il est attrayant parce qu'il peut être pratiqué en mixte homme- femme ce qui permet aux couples de rouler ensemble. Il y a des jeunes qui arrivent aux portes de l'équipe de France, il n'y a pas trop d'inquiétude à avoir. Gérald Rollo : Le judo est un bon moyen d'évacuer la peur de tomber puisqu'on apprend à chuter. C'est un bienfait pour les handicapés visuels. C'est un outil d'expression du corps et aussi une thérapeutique. Mario Fahrasmane : L'introduction de joueurs valides dans les équipes d'handibasket a renforcé le caractère spectaculaire du jeu, même s'ils ne participent pas en France aux compétitions nationales. Il y a un flottement dans le renouvellement mais des jeunes commencent à arriver dans l'équipe nationale. Beaucoup de handisportifs veulent des résultats tout de suite ou alors ils se dirigent vers d'autres sports comme le tennis ou l'athlétisme. LPH : Comment concevez-vous le handisport du 3e millénaire : dans une Fédération spécifique ou intégré au sport traditionnel ? Murielle Van de Cappelle-Siclis : Beaucoup d'athlètes souhaitent intégrer les fédérations classiques mais cela ferait disparaître la fédération handisport. Je ne crois pas que le président de la fédération apprécie... Vincent Mignon : C'est un peu la voie qu'essaie de suivre la fédération handisport. Ma section handisport est rattachée à un club valide et c'est le cas pour de plus en plus de clubs. On peut partager des infrastructures, des aides techniques, des bénévoles pour l'organisation des courses. On arrive à faire bon ménage ensemble. Dans les régions, cela se passe bien. L'idéal serait que les différents handisports puissent se rattacher aux fédérations valides. Gérald Rollo : J'espère qu'un jour on intégrera la fédération de judo valide. Les américains le font et ils arrivent maintenant très forts en compétition. Si en France on nous donnait les moyens d'aller nous entraîner à l'INSEP en étant payé, nous serions dans un autre état d'esprit que de devoir travailler et pratiquer notre sport après les heures de boulot. Aucun judoka ne bénéficie d'un mécénat. Mario Fahrasmane : Je pense que les handisports vont rester dans le giron de la fédération. Nous faisons du basket en fauteuil roulant certes, mais c'est quand même du basket. A partir du moment où on ne voit plus ou presque le handicap, il serait bon de se raccrocher à la fédération de basket valide. C'est ce qui permettrait de faire davantage évoluer le jeu et d'entrer vraiment dans le troisième millénaire ! |